Seizième jour – La grande évasion

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Évidemment, si vous dites à quelqu'un que vous avez passé Noël sur la Lune dans un carré de fraisiers au beau milieu d'une serre, il ne vous croira pas, mais c'est pourtant ce qui m'est arrivé. Je n'avais pas besoin de cadeau, car Ferdinando m'en avait déjà offert un magnifique, qui était de ne pas avoir été vitrifié sur place par des psychopathes colériques qui, sous prétexte de ne pas avoir résolu leur complexe de castration, annihilaient tous ceux qui ne leur revenaient pas, et Dieu sait si on est nombreux.

J'avais encore invité mes deux compagnons à partager mon souper de Noël. Ferdinando, qui se considérait toujours « en mission », accepta de bon cœur. Quant à Carla, notre compagnon syndicaliste vendeur de parapluies, il voulait rester encore un peu sur la Lune, pour voir si l'espace intersidéral lui offrirait plus d'occasions que la Terre pour vendre sa camelote. Car le récit qu'il nous fit de la situation sociale sur la Terre était vraiment dramatique et l'idée même de Noël devenait un cauchemar pour nombres de terriens ; d'ailleurs, il lorgnait sur notre sapin de Noël improvisé, et aurait bien voulu faire un « retour à l'envoyeur » bien senti vers mes donneurs de leçons. Mais là, Ferdinando l'arrêta : parce qu'on était sûrement surveillés depuis la Terre, qu'ils avaient des appareils terribles qui bigbrotherisaient tout ce qui bougeait et aussi tout ce qui ne bougeait pas, comme ça c'était pratique. C'est pour ça que le faux-jardinier, entre deux gorgées de mousseux, passait un petit coup de râteau ou faisait une bouture. Quant à moi, je récoltais négligemment une ou deux fraises que je jetais dans mon petit panier, parce que c'est l'époque des fraises sur la Lune.

Mais là où les choses se gâtèrent, c'est quand Carla me demanda les circonstances de mon « expatriation » forcée sur la Lune. Quand je lui racontai mon acte militant envers le discours de l'autre imbécile*, il le trouva bien envoyé mais se révolta tellement de ma condamnation qu'il me jura qu'il allait trouver une solution pour mon retour sur Terre. Il commença à s'échauffer en cherchant des idées et fut bientôt dans le même état que la première fois où je l'avais rencontré. Je le suppliai de se calmer, que l'on était sûrement surveillés et qu'il gesticulait vraiment trop ; mais comme il ne se calmait pas du tout, je me mis à danser le tango argentin pour donner le change.
Finalement, il trouva une idée formidable : pour que je puisse m'évader, il va creuser un tunnel !
C'est bien non ?

Bon, la suite, je vous la raconte demain.

 

* ce terme, qui pourrait attirer l'ire de la Grande Puissance Nortuaire, qualifie celui QUI A ECRIT le discours, pas celui qui ne l'a pas écrit mais qui l'a dit, c'est-à-dire l'autre, celui qui écrit ce qu'il ne dira  jamais.

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